Inaptitude
Que faire face à l'inaptitude d’un CDD ?
Comme un collègue en CDI, un salarié en CDD déclaré inapte doit être reclassé dans un emploi comparable. Si c'est impossible, l’inaptitude permet une rupture du contrat avant son terme.
Rechercher un reclassement
Constat d'inaptitude. - L’inaptitude physique d'un salarié en contrat de travail à durée déterminée (CDD) est constatée par le médecin du travail dans les mêmes conditions que pour les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI), par exemple lors d'une visite de reprise consécutive à un arrêt de travail (voir Dictionnaire Social, « Inaptitude physique »).
Les conditions de la reconnaissance de l'inaptitude doivent être remplies, notamment la réalisation d'une étude de poste, l'impossibilité de mettre en œuvre des mesures d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé, le changement de poste nécessité par l'état de santé du salarié (c. trav. art. L. 4624-4).
Obligation pour l'employeur. - Que l'inaptitude soit d'origine professionnelle (suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ou non (accident ou maladie de droit commun), l'employeur doit chercher à reclasser le salarié dans un autre emploi approprié à ses capacités. Pour ce faire, il doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail [c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10 ; cass. soc. 8 juin 2005, n° 03-44913, BC V n° 193 ; voir Dictionnaire Social, « Inaptitude physique (reclassement) »].
La recherche de l'employeur doit être sérieuse (cass. soc. 26 novembre 2008, n° 07-44061, BC V n° 231 ; cette décision, comme d'autres dans cet article, concerne un CDI mais est applicable au CDD reconnu inapte).
Par exception, l'employeur n'a pas à chercher un reclassement lorsque le médecin du travail a mentionné dans l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (c. trav. art. L. 1226-2-1, L. 1226-12 et L. 1226-20).
Poste similaire. - L’employeur propose au salarié déclaré inapte un autre emploi (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10) :
-conforme aux conclusions écrites du médecin du travail ;
-approprié à ses capacités professionnelles, par exemple un emploi qui implique une formation initiale différente de celle acquise ne peut pas faire office de proposition de reclassement valable (cass. soc. 7 mars 2012, n° 11-11311, BC V n° 87) ;
-aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin en mettant en œuvre des mesures comme des aménagements, adaptations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail voire une mutation, dans l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient (cass. soc. 24 octobre 1995, n° 94-40188, BC V n° 283).
À noter
Si le salarié accepte le poste qui lui est proposé, le CDD se poursuit dans ces conditions.
Avis du CSE. - L'employeur doit consulter le comité social et économique (CSE) sur les postes de reclassement qu’il envisage de proposer au salarié (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10). Cette consultation s'impose même si l’employeur n’a aucun poste à proposer (cass. soc. 11 juin 2008, n° 06-45537 D ; cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-16488 FPB).
Un mois pour agir
Reprise du paiement du salaire. - Lorsqu'un mois après la déclaration d'inaptitude, l’employeur n’a ni reclassé le salarié, ni rompu son contrat de travail, il doit recommencer à lui verser son salaire, y compris en cas d'inaptitude à tout emploi (c. trav. art. L. 1226-4-2 et L. 1226-20).
Ce délai débute dès que le médecin du travail a délivré son avis d'inaptitude(c. trav. art. L. 1226-4 et L. 1226-11) et n'est pas suspendu par une prolongation de l'arrêt de travail du salarié ou un nouvel arrêt (cass. soc. 19 janvier 2005, n° 03-41479, BC V n° 8 ; cass. soc. 8 juillet 2020, n° 19-14006 D).
Salaire maintenu. - L'employeur verse le salaire du poste occupé avant la suspension du CDD en tenant compte de l'ensemble des éléments constituant la rémunération et que le salarié aurait perçus s'il avait travaillé (cass. soc. 5 mai 2021, n° 19-22456 D). Ce paiement ne peut pas être remplacé par le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés (cass. soc. 3 juillet 2013, n° 11-23687, BC V n° 177).
Ne pas attendre la fin du CDD. - Quelle que soit la durée du CDD, et même s'il arrive bientôt à son terme, l'employeur doit chercher un reclassement sauf si l'avis du médecin du travail l'en dispense. Il ne suffit pas d'attendre la fin du contrat en reprenant le versement de la rémunération.
À défaut, l'employeur méconnaîtrait l'obligation de reclassement qui s'applique en toutes circonstances et qui lui interdit, par exemple, d’attendre qu'un salarié inapte parte en retraite (cass. soc. 3 mai 2006, n° 04-40721, BC V n° 159). À notre sens, selon la même logique, l’entreprise ne peut pas laisser le CDD aller jusqu'à son terme sans chercher à reclasser le salarié.
Enfin, précisons que si l'employeur rompt le CDD avant son terme, sans avoir cherché à reclasser le salarié, il risque d’être condamné à verser des dommages et intérêts la rupture étant abusive (c. trav. art. L. 1243-4).
Rompre le CDD
Rupture anticipée. - L’inaptitude physique constitue un cas de rupture anticipée du CDD en cas (c. trav. art. L. 1226-2-1, L. 1226-20 et L. 1243-1).
-d'impossibilité de proposer un emploi de reclassement ;
-de refus du salarié de l'emploi proposé ;
-de dispense de rechercher un reclassement (voir ci-avant).
À noter
S'il advenait que le salarié soit protégé (ex. : élu du CSE), l’employeur devrait respecter la procédure protectrice (ex. : autorisation préalable de l’inspecteur du travail).
Notifier la rupture. - La notification de la rupture du CDD n’obéit à aucune condition de forme particulière mais il paraît prudent d'adresser une lettre recommandée avec AR pour des questions de preuve, et d'y indiquer précisément le motif de la rupture anticipée. Cette notification n'a pas à être précédée d’un entretien préalable (cass. avis 21 octobre 2013, n° 13-70006 D) et aucun préavis n'est prévu sauf convention collective ou usage plus favorable.
Verser une indemnité spécifique. - Lorsque l’inaptitude a une origine non professionnelle, le salarié perçoit une indemnité spécifique au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (c. trav. art. L. 1226-4-3). En cas d'inaptitude professionnelle, il s'agit d'une indemnité égale au double de l’indemnité légale de licenciement (c. trav. art. L. 1226-20). L'indemnité est due sans condition d’ancienneté, et au prorata si le salarié est resté moins de 8 mois dans l’entreprise (rapport AN n° 3112, relatif à la loi 2011-525 du 17 mai 2011, p. 99).
Une convention collective peut prévoir une indemnité supérieure.
Indemnité de fin de contrat. - Si le CDD ouvre droit à l’indemnité de fin de contrat, celle-ci et l'indemnité de rupture anticipée se cumulent (rapport AN précité).