Management
Optimiser son temps pour manager ses équipes
Sandrine Caillé
Human Transfo
https://human-transfo.com/
Sandrine Caillé, fondatrice de Human Transfo, accompagne les changements individuels et collectifs et rend accessible la complexité humaine. Consultante depuis 22 ans, elle permet d’atteindre les enjeux business en focalisant l’attention sur les comportements indispensables. Son approche du changement consiste à mobiliser à tous les niveaux hiérarchiques
Le manager qui prend ses fonctions s’inquiète du temps que cela va lui prendre. L’expert qui devient manager doit faire le deuil de son expertise et progressivement du plaisir à accompagner et faire faire aux autres. Il doit revoir ses priorités et organiser son temps en conséquence.
Accompagner en apportant de la valeur ajoutée
Pour être utile à son équipe, le manager doit bien en connaître chaque membre et s’adapter aux besoins de chacun. Contrairement à une équipe réduite (2 à 3 personnes) dès que l'équipe s'étoffe les choses se compliquent. En parallèle de cet accompagnement, le manager est celui qui fixe le cap et donc les objectifs de l’équipe et ceux de chaque personne. Il ajuste l’organisation pour que cela tourne. Pour tout cela, il a besoin de réserver du temps dans son agenda pour réfléchir à ses décisions avant de les exprimer et pour suivre les résultats de son équipe.
C’est aussi le manager qui facilite la collaboration et régule les sujets qui se trouvent aux interfaces entre ses équipes et les autres équipes, en coordination avec ses pairs. Il doit donc absolument se garder du temps pour entretenir son réseau et nouer des relations de qualité avec ses homologues pour que les arbitrages puissent se passer de manière fluide et surtout dans un esprit « gagnant-gagnant ».
À noter
Trop souvent le manager pense qu’il doit passer son temps à trouver des solutions aux problèmes. Pourtant sa valeur ajoutée est plutôt de permettre à ses collaborateurs de devenir plus proactifs et que progressivement ils gagnent en autonomie face aux difficultés qu’ils rencontrent.
Le manager fournisseur officiel de solutions – même si l’action agit sur lui comme un anxiolytique – n’est pas satisfaisant sur le moyen-long terme car cela génère une certaine dépendance et quand il n’est pas disponible il ne se passe rien. Accompagner suppose de faire émerger les solutions afin de responsabiliser les collaborateurs et leur permettre de progresser.
À FAIRE.
1°/ Dès qu’une décision est à prendre, commencez par vous demander si elle relève de votre niveau ou si le collaborateur concerné par le sujet pourrait directement la prendre. Un indicateur : chaque fois que la décision vous semble évidente, c’est sûrement qu’elle n’est pas de votre niveau.
2°/ Si on vous remonte un problème, commencez par bien le comprendre en posant des questions et faites réfléchir aux solutions possibles pour aider à prendre la meilleure des décisions au regard des impacts.
3°/ Si on vous remonte un dysfonctionnement du service, cherchez là aussi à bien comprendre et à encourager l’expression des façons de mieux faire pour éviter que cela ne se reproduise. S’il s’agit d’un problème relationnel, gardez en tête que la solution réside probablement dans le fait que chacun fasse un pas vers l’autre car il y a toujours une co-responsabilité dans une situation critique.
Comment optimiser son accompagnement
Craindre que l’accompagnement des collaborateurs prenne trop de temps est classique. Il est pourtant possible d’optimiser son temps en fixant des moments précis pour voir les collaborateurs plutôt que laisser la porte ouverte pour signifier que vous êtes disponible tout le temps alors qu’en réalité vous avez besoin de moments tranquilles pour avancer sur certains sujets (voir ci-avant).
À noter
Mieux vaut être un manager peu disponible, mais qui apporte beaucoup de valeur quand on le sollicite, plutôt qu’être toujours disponible mais sans apporter un réel soutien en cas de difficultés.
Les entretiens annuels ont été l’occasion de fixer des objectifs en début d’année. Quel accompagnement managérial avez-vous mis en place pour garantir l’atteinte de ceux-ci ?
À FAIRE. Réservez-vous des plages de travail et de réflexion sur les sujets stratégiques et aussi sur le management de votre équipe pour élaborer les plans d’accompagnements adaptés aux besoins de chacun. Que signifie concrètement accompagner ses collaborateurs ? Tout commence par exprimer clairement des demandes tout en laissant de l’espace sur la façon de faire.
À noter
Plus le collaborateur est autonome sur le sujet à traiter, plus il a besoin de sentir que vous lui faites confiance sur le comment. Plus il est junior, plus il a besoin que vous soyez son guide.
L’idée de laisser de l’espace et perdre ainsi du contrôle peut vous stresser. Dans ce cas, vous pouvez vous rassurer sur le fait que le sujet sera traité comme vous l’entendez en posant des questions comme : « Comment comptes-tu faire ? Quelle sera ta première étape ? » ou encore « Quelles difficultés imagines-tu à ce stade et comment penses-tu les dépasser ? » et bien sûr « Attends-tu quelque chose de moi ? Comment je peux t’aider ? »
Vient ensuite le moment de suivre les avancées et de faire des feedbacks positifs, pour encourager les comportements que vous souhaitez voir plus et diffuser dans l’équipe, et des feedbacks constructifs pour faire prendre conscience des limites de certaines façons de faire et donner envie de changer certains comportements. Cette étape d’accompagnement peut inclure le fait d’aider à prendre du recul face aux difficultés rencontrées et d’aider à prioriser lorsque le collaborateur se sent débordé et qu’il n’arrive pas à faire face à la charge de travail.
Enfin, étape souvent oubliée, le retour d’expérience à la fin d’une mission est l’occasion de comprendre comment le collaborateur a géré des difficultés qu'il a eues, ce qui lui permet de renforcer son estime de lui et sa capacité à refaire si besoin et donc d’augmenter sa résilience au travail et sa proactivité. Cela lui permet aussi d’identifier ce qui le motive et lui plaît et ainsi de renforcer sa motivation.
À noter
En parallèle, le manager accompagne les changements, son rôle étant aussi d’aider à s’approprier les changements qui traversent l’entreprise et à gérer les impacts émotionnels qu'ils provoquent.
Gagner du temps en revisitant certaines idées reçues
Idée reçue numéro 1 : quand on identifie un problème il faut arriver à une solution à tout prix !
Question. Pensez-vous vraiment qu’un entretien d’une heure est plus efficace que quatre entretiens courts d’environ 15 minutes tous les 4 ou 5 jours ?
Même si tout dépend du problème et de son degré d’urgence, la plupart du temps avancer étape par étape avec le collaborateur en lui laissant du temps pour réfléchir, observer, expérimenter est plus efficace qu’essayer de lui tirer les vers du nez en s’acharnant sur lui.
Idée reçue numéro 2 : quand on ne donne pas la solution au problème du collaborateur on ne joue pas son rôle !
Question. Pensez-vous vraiment que votre seule valeur ajoutée consiste à trouver des solutions ?
Vous avez un rôle clé à jouer en termes de soutien émotionnel. Chaque fois que vous aidez un collaborateur à y voir plus clair, voire à trouver lui-même les solutions à ses difficultés, vous le rendez plus autonome. Ne sous-estimez pas votre valeur ajoutée à faire accoucher, à libérer les émotions, à dépasser les freins et les contradictions. Vous aidez à faire du tri dans une tête remplie de pensées d’un collaborateur qui sature. En lui apportant ce type de soutien, vous l’aidez à réguler sa pression interne, à relativiser les difficultés et donc à gérer son stress. Parfois, d’autres types de soutien sont attendus comme le soutien évaluatif chaque fois que le collaborateur a besoin d’être rassuré sur sa capacité à faire.
Idée reçue numéro 3 : quand on est manager on doit avoir réponse à tout !
Question. Pensez-vous vraiment que vous êtes à votre place si tout est évident pour vous ?
Il est logique d’avoir beaucoup à apprendre lorsque l’on prend ses fonctions et de naviguer dans un monde incertain, même quand on était déjà dans l’équipe et que l’on monte d’un cran. Plus on maîtrise son périmètre, plus les arbitrages et décisions deviennent évidents et c’est alors le moment de vous demander quelle est votre prochaine étape professionnelle pour progresser car l’ennui et les frustrations vont vite apparaître, si ce n’est déjà le cas.
Quitter le monde du faire pour celui du faire-faire passe par le comportement d'accompagner. Or, tout le monde n’a pas le même besoin d’accompagnement. Il faudra s’adapter à chaque personne de votre équipe. Les entretiens annuels devraient se conclure par un échange sur l’accompagnement tel qu’il a été vécu l’année écoulée et tel qu'il peut être optimisé dans les mois à venir. Un manager apporte beaucoup de valeur au travers de son accompagnement et permet aux collaborateurs de se sentir épanouis et sereins dans leur travail. Si vous ne savez pas de quoi ils ont besoin… posez leur la question ! Plus que jamais dans ces périodes troublées et complexes, le manager qui sait accompagner ses collaborateurs les retient et les garde motivés pour relever des défis plus ambitieux qui peuvent sembler insurmontables.