Management
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Le management c'est comme l'éducation de ses enfants…
Sandrine Caillé
Human Transfo
https://human-transfo.com/
Sandrine Caillé, fondatrice de Human Transfo, accompagne les changements individuels et collectifs et rend accessible la complexité humaine. Consultante depuis 22 ans, elle permet d’atteindre les enjeux business en focalisant l’attention sur les comportements indispensables. Son approche du changement consiste à mobiliser à tous les niveaux hiérarchiques
Un manager accompagne et fait grandir, rend autonome ses collaborateurs. Faut-il en conclure que le management repose sur les mêmes principes que l’éducation ? Une chose est certaine : la fierté que l’on ressent quand un collaborateur progresse dans l’organisation, évolue et prend des responsabilités est assez comparable à ce que l’on ressent en voyant son enfant grandir, s’émanciper, se développer pour voler de ses propres ailes. Ressemblances et différences...
Accompagner pour aider à grandir
Dans la mesure où le rôle du manager est d’accompagner et de faire grandir ses collaborateurs en leur permettant de gagner en autonomie, on peut facilement trouver un lien avec le rôle de parent. Pourtant, l’objectif d’un manager ou d’un parent est assez différent. En effet, alors que le manager accompagne une équipe pour atteindre des objectifs précis dans une ambiance de travail agréable pour tous, le parent éduque ses enfants pour leur permettre d’être autonomes, de se gérer et d’être le plus heureux possible dans leur vie d’adulte.
Ce rôle d’accompagnement passe par le fait d’être garant d’un cadre sûrement plus clair en entreprise qu’à la maison, même si des règles plus ou moins explicites, adaptées à l’âge des enfants peuvent y être mises en place. Les règles doivent permettre une certaine équité au sein de l’équipe (comme à la maison), notion à ne pas confondre avec l’égalité puisqu’ajustée à la réalité de chacun et non totalement uniforme. Sans ce sentiment d’équité, le risque est de basculer dans des rancœurs et des jalousies (fort heureusement plus fréquentes dans les fratries qu’en entreprise). De ce fait, le manager comme le parent doit savoir et oser dire non. Ne pas le faire et ne pas savoir mettre des limites à des comportements « dysfonctionnels » pose rapidement des problèmes d’autorité et de crédibilité que ce soit dans une équipe ou au sein de sa famille. Dans les entreprises, certains managers regrettent d’ailleurs parfois d'avoir à gérer une cour de récréation ou à arbitrer des chamailleries enfantines.
Le cadre posé porte des valeurs que le manager ou que le parent à envie de transmettre inconsciemment ou de façon réfléchie.
À FAIRE. Mettre des mots sur les valeurs que l’on veut absolument transmettre fait gagner un temps précieux. En termes d’éducation, le parent peut donner le goût du travail bien fait, la persévérance, la résilience, le courage, l’audace et le respect qui sont des valeurs fondatrices pour s’épanouir et réussir dans le monde du travail. Le manager, quant à lui, se les appliquera et fera preuve d’exemplarité, sous peine de perdre toute crédibilité.
En revanche, une différence majeure réside dans la notion de sécurité garantie. Si à la maison on parle surtout de sécurité physique (en particulier au plus jeune âge où le parent est le garant que l’enfant ne se mette pas en danger) et aussi affective, dans l’entreprise on parle de sécurité physique (surtout dans les métiers dits « de production ») mais également beaucoup de sécurité mentale.
Il arrive qu'en formation, on me demande si les basiques du management s’appliquent à la maison. Certains managers utilisent ainsi les principes du feedback et de la communication non violente chez eux. La plupart du temps cela fonctionne sauf quand les émotions prennent le dessus et que le lien affectif rend la mise à distance impossible d’un côté comme de l’autre. Quant à manager à l’affectif, vous trouverez les réponses dans l’article du RF Social de juin 2023, « Manager à l’affectif un peu, beaucoup, pas du tout ». À la maison, impossible d’éviter que l’affectif prenne le dessus dans certaines situations tant du côté des parents exaspérés de répéter toujours les mêmes consignes, que de celui des enfants qui ne savent pas toujours comment gérer leurs émotions et exprimer leurs frustrations (conseil : regardez avec eux le film Vice Versa pour faire entrer les émotions dans les discussions).
À noter
En management comme dans l’éducation, plus le cadre est clair moins le recadrage est violent. La qualité de la communication, et donc le fait de s’entraîner à dire les choses en s’appuyant sur ses ressentis sans s’y laisser engluer, est indispensable au travail comme à la maison.
Apporter son soutien ou porter un amour inconditionnel ?
Tout d’abord pourquoi est-il indispensable d’apporter du soutien à ses enfants comme à ses équipes ? Si on veut qu’un individu donne le meilleur de lui-même, il convient de le stimuler avec des objectifs adaptés et une posture soutenante et encourageante qui permettent le dépassement de soi.
Quand il s’agit de fixer des objectifs, les capacités et talents de chacun sont-ils suffisamment pris en compte dès l’école puis en entreprise ? C’est pourtant la garantie d’une certaine équité de traitement. Mais cela suppose un effort d’adaptation à chacun de la part du professeur, du parent, du manager, alors qu’inconsciemment le souhait est que ce soit les enfants ou les collaborateurs qui s’adaptent. Or, le soutien est nécessaire et il passe par la reconnaissance de l’unicité de chaque être humain (dans la famille, on parle d’amour inconditionnel).
À FAIRE. Exercer ses capacités d’observation pour fédérer un collectif sur des objectifs communs en s’appuyant sur les points forts et les talents de chacun. Fixer des objectifs adaptés et accessibles (SMART, en entreprise) pour motiver et non décourager d’avance.
Que dire de l’échec et de sa gestion ? D’un côté, il y a les managers et les professeurs/parents qui ne focalisent pas toute leur attention sur le résultat mais regardent aussi le chemin parcouru, la méthode, les progrès, les efforts réalisés. L’erreur ou l’échec sont alors l’occasion de nouveaux apprentissages. Si ce n'est pas le cas, ils deviennent une menace pour l’estime de soi avec un sentiment de culpabilité et des pensées de plus en plus limitantes à oser aller de l'avant et essayer.
À FAIRE. L’entreprise devrait être un lieu où on donne envie de se lancer, d’essayer et de prendre des risques (mesurés) à l’image du parent qui encourage son enfant dans ses apprentissages de toute activité pour laquelle sans entraînement la réussite est difficile voire impossible (marche, vélo…).
Et si le leadership managérial ou parental tenait en cette capacité de tirer le meilleur de son équipe ou de ses enfants ? C’est en cela que l’exigence, lorsqu’elle est bienveillante, est appréciée car elle pousse à donner le meilleur de soi, apprendre, essayer encore et encore pour s’améliorer.
Savoir récompenser les efforts de chacun
En termes de récompenses, l’environnement de l’entreprise et l’environnement familial sont assez différents. En effet, dans la continuité de la reconnaissance de l’individualité, de la fixation des objectifs adaptés et du soutien, le manager propose de récompenser les efforts des collaborateurs notamment par des évolutions salariales et des primes (voir l’article du RF Social de février 2023, « Annoncer de bonnes et moins bonnes nouvelles »). À la maison, même si la notion de récompense peut exister dans certaines familles (cadeaux, voyages, activités), elle n’est pas toujours conçue dans l’intention de récompenser (sauf des résultats scolaires ou pour rémunérer certaines actions comme le baby-sitting, le ménage, des tâches domestiques) mais plus souvent pour faire plaisir et célébrer des moments forts de l’année (anniversaire, Noël, Pâques...). Ainsi, lorsque les parents mettent en place de l’argent de poche, l’intention est davantage de responsabiliser l’enfant sur la valeur de l’argent que de récompenser.
Les situations managériales peuvent nous faire penser à ce que l’on vit en famille - jalousies, disputes, compétition, manque d’esprit d’équipe… - et ce que l’on vit au travail peut même avoir une influence sur la façon dont on éduque ses enfants. D'ailleurs, le principal dénominateur commun entre le management et l’éducation est que, malgré tout ce qui a été écrit sur ces sujets, c’est en faisant qu’on apprend. Confronté à des situations imprévisibles, il nous faut réagir de la meilleure des manières et c’est souvent après coup que l’on voit si c’était la bonne ou non.
Manager et éduquer revient donc à se poser les bonnes questions, à faire la part des choses entre des solutions court terme et des solutions plus pérennes et pour cela adapter nos comportements, prendre du recul et apprivoiser nos émotions pour comprendre ce qu’elles nous indiquent.
Après deux mois de vacances scolaires, c’est la rentrée (à l'école et en entreprise). Cette pause estivale vous a peut-être permis de réfléchir à ce que vous avez envie de changer au travail ou à la maison. Reste maintenant à concrétiser ces envies ou besoins de changement !