Gestion du personnel
Isolement, burn-out, stress de la reprise... : des risques psychosociaux à surveiller
La crise sanitaire a bouleversé l'organisation du travail, de manière durable. Cette situation est génératrice de risques psychosociaux que les employeurs doivent surveiller. Ils doivent aussi anticiper les risques liés au retour des salariés dans l'entreprise.
Protéger la santé mentale des salariés
Obligation légale de sécurité. - L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (c. trav. art. L. 4121-1). La protection de la santé mentale des salariés fait donc partie de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur.
À cet effet, il doit prendre des mesures de prévention, d'information et de formation, mettre en place une organisation et des moyens adaptés et les actualiser aux changements de circonstances (c. trav. art. L. 4121-1).
Silence des recommandations ministérielles. - À l'arrivée de l'épidémie de covid-19, la mission première des employeurs a été de protéger la santé physique des salariés qui ne pouvaient pas télétravailler et devaient rester à leur poste. Les mesures de prévention diffusées par les pouvoirs publics visaient ainsi à prévenir les risques de contamination au covid-19.
Après plusieurs mois, aucune recommandation concernant la protection de la santé mentale des salariés et la prévention des risques psychosociaux (RPS) n'a été émise. Le protocole sanitaire en entreprise alerte uniquement sur les risques liés à l’isolement des salariés en télétravail (voir ci-après).
Le travail en période de covid-19 source de RPS. - Les bouleversements dans les organisations de travail causés par la crise sanitaire génèrent des RPS. On peut citer le risque de burn-out pour les salariés dont la charge de travail s'est intensifiée ou accrue, la crainte d'être contaminé pour les salariés en présentiel ou encore le risque lié à l'isolement pour les télétravailleurs. D'autres RPS peuvent également apparaître lors de la reprise de l'activité sur le lieu de travail.
À noter
D'après l'INRS, les RPS correspondent à diverses situations de travail. Parmi elles, on trouve le stress causé par un déséquilibre entre la perception des contraintes de l'environnement de travail et la perception des ressources pour y faire face. Les RPS peuvent être induits par l’activité elle-même ou générés par l’organisation et les relations de travail.
Gérer l'isolement des salariés en télétravail
Risque lié au télétravail généralisé. - Selon le protocole sanitaire, le télétravail doit être systématique dès que l'activité le permet. Cette situation peut conduire certains salariés, notamment ceux qui télétravaillent à 100 % ou les nouveaux embauchés, à se sentir isolés. La situation d'isolement peut également toucher les salariés devant rester sur le lieu de travail, dont les contacts sont aussi limités.
À noter
Depuis le 7 janvier 2021, les salariés en télétravail à 100 % qui en expriment le besoin peuvent, avec l'accord de l'employeur, revenir 1 jour par semaine dans l'entreprise.
Maintenir un lien et prévoir des repères. - Le ministère du Travail recommande aux employeurs qui ont instauré le télétravail de veiller à ce risque et d'adopter des mesures de prévention permettant, par exemple, de maintenir au maximum le lien entre les membres de l’équipe, via les moyens de communication : visioconférences, échanges téléphoniques de manière formelle (ex. : réunions) comme informelle (Questions/Réponses « Télétravail en période de COVID-19 », 10 décembre 2020).
L'accord national interprofessionnel sur le télétravail du 26 novembre 2020 aborde cette problématique et préconise de prévoir des repères communs (activités, responsabilités individuelles et collectives, interlocuteurs et personnes ressources), des temps de travail collectif réguliers, et de communiquer les coordonnées des services RH et celles des services de santé au travail.
À noter
Si ces mesures ne suffisent pas à préserver la santé du salarié, le ministère du Travail indique que l’employeur peut, au besoin en lien avec le médecin du travail, l'autoriser à se rendre sur son lieu de travail certains jours.
Animer un collectif de travail à distance. - L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) suggère (« Coronavirus et télétravail : 5 dimensions pour mieux s’organiser collectivement ») :
-d'organiser des réunions courtes régulières en visioconférence pour faire le point sur l’activité en équipe et par projet ;
-d'inciter les salariés à mettre à jour quotidiennement leurs agendas partagés en indiquant les temps de travail et de garde d’enfant ;
-de proposer régulièrement des temps informels virtuels (pause-café via des outils de chat) ;
-au niveau du service RH et des représentants du personnel, de contacter régulièrement les salariés notamment ceux qui risquent d’être en difficulté (ex. : personnes seules).
Veiller à la charge de travail pour prévenir les burn-out
Différentes causes de burn-out. - Dans certaines entreprises, l'activité s'est intensifiée ou la réorganisation du travail implique de gérer des volumes importants d’information ou d'agir dans l'urgence. Selon l'ANACT, des situations de surcharge de travail ou de surmenage peuvent en résulter.
L'ANACT pointe également le risque lié, dans certains secteurs ou à certains postes, à l’engagement et la mobilisation des salariés, qui peut donner lieu à un surinvestissement. Le risque de burn-out touche autant les salariés en présentiel qu'en télétravail.
Contrôler la durée de travail. - Quelles que soient les circonstances, l'employeur doit contrôler la durée de travail des salariés, afin de s'assurer que ceux-ci bénéficient de leur temps de pause et de leur repos quotidien et hebdomadaire, que les durées maximales de travail ne sont pas dépassées. Le cas échéant, il décompte les heures supplémentaires réalisées.
S'il applique un accord ou une charte relative au télétravail, ce document fixe les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail (c. trav. art. L. 1222-9).
Respecter le droit à la déconnexion. - Il s'agit, en pratique, du droit des salariés d'être déconnectés des outils numériques ou de communication en dehors du temps de travail, qu'ils soient fournis par l'entreprise ou personnels et utilisés à des fins professionnelles (ex. : boîte mail, téléphone portables, réseaux sociaux, etc.). Les entreprises assujetties à la négociation obligatoire sont tenues de se doter d'un accord collectif ou d'une charte relatif au droit à la déconnexion (c. trav. art. L. 2242-17).
Dans les autres, l'employeur doit aussi veiller à ce que les salariés bénéficient de ce droit (voir RF Social, Revue d'actualité 211, p. 12).
Exemples d'outils pratiques. - L'ANACT propose plusieurs pistes d'action afin de prévenir les difficultés liées à la charge de travail (« COVID-19 et prévention des RPS : faire face à une situation inédite dans sa durée ») :
-organiser des réunions hebdomadaires pour adapter les objectifs individuels et collectifs aux moyens réellement disponibles et prioriser les activités ;
-échanger avec les personnes occupant des fonctions-clés sur la qualité attendue du travail, la priorisation des tâches, la nécessité d’alerter sur la charge de travail ;
-instaurer des rendez-vous réguliers entre manager et salarié pour évaluer la charge de travail et adapter les missions et les horaires et prendre en compte les situations particulières (ex. : garde d’enfants, soins aux personnes malades) ;
-prévoir une certaine liberté dans la gestion du temps de travail, avec des garde-fous : plages horaires minimum-maximum, temps de pauses, droit à la déconnexion, etc. ;
-apporter un appui spécifique aux managers.
Prévenir le stress lié au retour des salariés
Le retour des salariés, après plusieurs mois de télétravail pour certains, va également être source de RPS. Lors du premier déconfinement, l'INRS avait émis des recommandations aux employeurs pour s'y préparer (« Organiser la reprise d’activité en prévenant les risques psychosociaux »). Elles restent utiles.
Prévoir un accueil de chaque salarié. - L’encadrement de proximité doit assurer un accueil personnalisé de chaque salarié qui permette de repérer les situations compliquées et de proposer une prise en charge par le service de santé au travail, le service RH et/ou l’assistante sociale de l’entreprise. Un accueil collectif est également important pour marquer symboliquement le retour de manière physique si les conditions sanitaires le permettent, sinon de manière virtuelle (ex. : vidéo du dirigeant).
Veiller aux conséquences des mesures barrières. - Celles-ci peuvent perturber l'organisation du travail (prévoir un temps d’adaptation, ajuster les cadences et les objectifs de production) ou créer des situations de tension entre les salariés, de méfiance vis-à-vis du respect des consignes sanitaires (renouveler et adapter l'information des salariés).
Faire un retour d’expérience. - Il s'agit de tirer les enseignements de la façon dont l’entreprise et les équipes de travail ont fonctionné, valoriser et conserver ce qui a été vertueux et pointer les difficultés éprouvées.
Communiquer sur l’impact économique de la crise sanitaire. - Cela doit permettre de prévenir ou réduire le sentiment d'insécurité des salariés sur la pérennité de l’entreprise et de leur emploi.
Prévenir les RPS en cas de mise en œuvre d'un PSE (1) | |
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Contenu du PSE. Même si la mise en place d'un PSE dans l'entreprise est source de RPS pour les salariés, aucune disposition légale n'impose de prévoir des mesures de prévention des RPS dans un PSE. Cependant, lorsque l'employeur consulte les représentants du personnel, il doit leur présenter les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (c. trav. art. L. 1233-30). Il doit donc évaluer les risques pour la santé des salariés, y compris donc les RPS, engendrés par le licenciement collectif. | |
Contrôles. Le DIRECCTE chargé de se prononcer sur le PSE, et en cas de contentieux le juge administratif, vérifient que l'employeur a respecté son obligation de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (Trib. confl. 8 juin 2020, n° C4189). Un PSE pourrait ne pas être validé ou homologué par le DIRECCTE en l'absence de mesures d'évaluation et de prévention des RPS ou en présence de mesures suffisantes. | |
Un élément à ne pas négliger. Il paraît indispensable de veiller à la santé mentale des salariés en cas de mise en place d'un PSE, d'autant plus qu'elle aura été fragilisée par les bouleversements de l'activité et de l'organisation du travail, et pour certains par des difficultés personnelles, causées par l'épidémie de covid-19. | |
(1) Selon la Dares, entre le 1er mars 2020 et le 6 décembre 2020, 701 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été initiés, avec 76 113 ruptures de contrat envisagées, contre 382 PSE et 27 707 ruptures de contrat l'année précédente (tableau de bord de la Dares, 8 décembre 2020). L'épidémie de covid-19 engendre de nombreux PSE, malgré le déploiement massif de l'activité partielle. |