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Jurisprudence
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 23 février 2000, 98-40.482, Inédit
N° de pourvoi 98-40482

Président : M. MERLIN conseiller

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Philippe X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 24 novembre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (Chambre sociale, Section A), au profit :

1 / de la société Couvreur-Delesalle, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

2 / de l'ASSEDIC du Sud-Ouest, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 janvier 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, Mmes Maunand, Trassoudaine-Verger, M. Soury, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X... a été embauché, le 10 juin 1991, par la société Couvreux-Delesalle en qualité de responsable commercial ;

que son contrat de travail comportait une clause de garantie de salaire minimum ; qu'il a été modifié par lettre de l'employeur du 17 juillet 1992 ;

que le salarié a été licencié le 18 août 1993 et a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que, par lettre du 18 août 1993, l'employeur a notifié à M. X... son licenciement pour "résultats insuffisants" ; que, si l'insuffisance de résultats peut constituer un motif de licenciement, encore faut-il que des éléments d'appréciation soient produits à son appui ; que, si le contrat de travail faisait référence à un chiffre d'affaires à réaliser pour déterminer la rémunération de M. X..., aucun objectif ne lui avait cependant été fixé de façon précise ; que l'employeur a reproché à plusieurs reprises à M. X... l'insuffisance de ses résultats qu'il n'a pas contestée, mais aussi que l'examen des bulletins de salaire révèle un montant de commissions insuffisant pour permettre à M. X..., outre le salaire fixe contractuel, d'atteindre une rémunération mensuelle de l'ordre de 10 000 francs, indépendamment de la garantie contractuelle de 10 000 francs consentie par l'employeur ; que, de plus, la comparaison effectuée par M. X... entre ses propres résultats et ceux obtenus par les autres commerciaux ne permet pas de détruire la portée des éléments d'appréciation fournis par l'employeur ; qu'ainsi, l'insuffisance de résultat est démontrée ;

Attendu, cependant, que la seule insuffisance de résultats ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le contrat de travail ne fixait aucun objectif précis à atteindre, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si les résultats du salarié étaient insuffisants au regard de ses résultats antérieurs et de ceux de ses collègues et si l'insuffisance de résultat n'était pas imputable à l'employeur qui ne livrait pas en temps utile les commandes aux clients, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de rappels de salaire sur les années 1992 et 1993, la cour d'appel énonce que le contrat de travail stipulait : "Nous vous garantissons un minimum de salaire de 10 000 francs nets, indexés sur l'évolution du SMIC" ; que la lettre de pré-embauche du 30 mai 1991, non contestée par M. X..., précise que la garantie de salaire est destinée à l'aider, dans un premier temps, dans son activité ; qu'il ressort des lettres adressées par l'employeur à M. X... que la suppression de la garantie de ressources lui a été proposée, faute par lui de pouvoir atteindre un chiffre d'affaires normal, situation qu'il n'a pas contestée, se bornant à comparer ses résultats avec ceux des autres commerciaux de l'entreprise ; qu'au vu des dispositions contractuelles, mais aussi des bulletins de paie, il apparaît que l'employeur a dû compléter la rémunération du salarié pour parvenir au montant de la garantie de ressources, alors que M. X... n'atteignait pas un chiffre d'affaires, au-delà de la période de démarrage de son activité ;

Attendu, cependant, que le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le contrat de travail comportait une garantie de salaire minimum non limitée dans le temps et que l'employeur l'avait supprimée sans recueillir l'accord du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une somme à titre de reliquat de congés payés pour les années 1992 et 1993, la cour d'appel n'a formulé aucune motivation ;

qu'elle n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Couvreur-Delesalle et l'ASSEDIC du Sud-Ouest aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille.