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Jurisprudence
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 février 2011, 09-42.290, Inédit
N° de pourvoi 09-42290

Mme Collomp (président)
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 9 avril 2008, n° 07-41.217), que M. X... a été engagé à compter du 2 janvier 2001 par la société Siemens en qualité de directeur de la division médicale ; que sa rémunération était composée d'un salaire mensuel fixe et d'une part variable égale à quatre mensualités à objectif atteint à 100 %, outre le versement d'une prime dite LTI (Long Term Incentive), payable en fonction de l'atteinte d'objectifs définis par l'employeur et le salarié, en accord avec la branche MED du groupe ; qu'il a été licencié par lettre du 2 mai 2003 ; que contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de la société Siemens à lui payer des indemnités de rupture, un rappel de salaire au titre de la prime LTI et les congés payés afférents ;

Attendu que pour condamner la société Siemens à verser à M. X... une somme au titre de la prime d'objectifs dite LTI, l'arrêt retient d'abord que le contrat de travail fait obligation à la société Siemens d'engager des négociations avec M. X... en vue de fixer ensemble les objectifs dont dépend l'ouverture du droit au versement de la prime LTI, qu'aucun accord n'est cependant intervenu entre les parties sur ce point, qu'ensuite, pour l'exercice 2002/2003, la division médicale a enregistré un déficit de 44,5 millions d'euros, que cet écart résulte d'une baisse du chiffre d'affaires prévisionnel et d'une baisse de la marge réalisée par rapport à la marge prévue, de dépenses supplémentaires liées à des restructurations importantes, d'une sous estimation des frais de structure et de personnel, de l'absence de prise en compte des intérêts sur les créances transférées par factoring et enfin de l'application de règles de prudence accrues conduisant à déprécier le matériel prêté et à augmenter les provisions comptables sur les créances, que cependant il n'est pas établi que l'écart observé entre le budget prévisionnel et le budget réalisé soit imputable à M. X..., dont le périmètre d'activité a en outre été modifié en cours d'année, et non à des choix effectués par la direction financière de la société depuis plusieurs années, de sorte que la prime LTI lui était due au prorata temporis de son temps de présence dans l'entreprise dans les mêmes conditions que la part variable de rémunération prévue à l'article 5 du contrat de travail, pour laquelle le salarié avait atteint 100 % de ses objectifs dont il n'est pas démontré qu'ils obéissaient à des critères différents ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la prime LTI était une prime d'objectifs subordonnée à l'obtention par la division médicale de résultats qui n'avaient pas été atteints ce dont elle devait déduire, peu important que le déficit ait ou non été imputable au salarié, que ce dernier n'était pas fondé à y prétendre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DEBOUTE M. X... de sa demande au titre de la prime LTI ;

Condamne M. X... aux dépens d'appel et de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Siemens.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Société SIEMENS SAS à payer à Monsieur X... les sommes de 144.825,91 euros au titre de la prime d'objectifs dite « LTI » et 14.482,60 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail de M. X... stipule en son article 5, intitulé « rémunération », que le salarié percevra 12 appointements forfaitaires mensuels bruts de 11.434 euros ainsi qu'une partie variable représentant son intéressement annuel pour l'exercice commercial considéré, déterminé de façon à intégrer pour la période de travail effectué l'indemnité afférente aux congés payés, dans la mesure où il représente un intéressement général sur les affaires de sa division/département prenant en compte la réussite collective et son travail personnel ; que cet intéressement pour un exercice commercial complet (du 1er octobre au 15 septembre) se décompose en un minimum garanti égal à 2 mensualités, une valeur à objectif atteint à 100 % égale à 4 mensualités et une valeur plafond égale à 6 mensualités ; que le contrat de travail stipule en outre en son article 15, intitulé « clauses particulières », qu'en sus de la rémunération mentionnée à l'article 5, le salarié bénéficiera d'un LTI (Long Term Incentive) d'un montant maximum de 182.938 euros ; qu'il précise qu'en fonction, de l'atteinte des objectifs définis ensemble par l'employeur et le salarié, en accord avec la branche MED du groupe, d'ici le 1er octobre 2001, M. X... pourra bénéficier à ce titre d'un premier montant maximum de 91.469 euros le 1er avril 2003 et d'un second montant maximum de 91.469 euros le 1er avril 2004 ; que le contrat de travail faisait ainsi obligation à la société Siemens d'engager des négociations avec M. X... en vue de fixer ensemble, en accord avec la branche médicale du groupe, les objectifs dont dépendait l'ouverture du droit au versement de la prime LTI ; qu'aucun accord n'est cependant intervenu entre les parties sur ce point ; qu'en effet, selon le compte-rendu de l'entretien d'évaluation de performances de M. X... du 27 décembre 2001, des objectifs lui ont été fixés par son supérieur hiérarchique au titre de la prime LTI dans les termes suivants :
« 1ère tranche 600 KF si sur 01/02 le stretch est atteint pour SAS : EVA 0, EBIT : 25, 2ème tranche 600 KF si sur 2002/2003, EBIT = 3.75 % sales. Total MED $AS + SHS/P », et si le compte-rendu de l'entretien d'évaluation de performance suivant en date du 3 janvier 2003, rappelle ces objectifs, assortis du commentaire suivant: les "objectifs de la LTI n'étaient pas consistants. A revoir dans une discussion globale de rémunération annuelle", il ne résulte pas de ces documents, non signés par le salarié, que celui-ci ait accepté les objectifs ainsi fixés ; que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et qu'aucun accord entre l'employeur et le salarié n'a pu avoir lieu sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer celui-ci en fonction des critères visés au contrat et, à défaut, des éléments de la cause ; qu'aucun critère d'attribution de la prime d'objectifs LTI n'a été défini contractuellement ; qu'il y a lieu de retenir que la prime litigieuse est une prime destinée à rémunérer l'activité du salarié appréciée au travers des objectifs réalisés au terme de deux exercices commerciaux successifs 2001/2002 et 2002/2003 ; que si la société Siemens fait valoir que les résultats de M. X... ont été catastrophiques, elle ne produit aucun document comptable exploitable sur l'activité de la division médicale dont il avait la charge pour la période du 1er octobre 2001 au 5 mai 2003, les documents en langue anglaise et en langue allemande versés aux débats sous les numéros de pièce 47-2, 47-3 et 47-4 ne pouvant être retenus comme éléments de preuve, faute d'une traduction en langue française permettant au juge d'en apprécier l'exacte portée, et le graphique qui en est l'illustration, versé aux débats sous le numéro de pièce 47-1, ne pouvant être retenu comme probant en l'absence des comptes auxquels il se rapporte ; que s'il ressort du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise de la société Siemens du 19 septembre 2002 qu'au cours de l'exercice commercial 2001/2002, la croissance des entrées de commande et du chiffre d'affaires s'est faite au détriment de la marge, de sorte que lei résultat de la branche médicale enregistrait un déficit de 12 millions d'euros fin août pour un budget prévu de + 1,1 million d'euros, il apparaît que cette évolution est la conséquence d'une concurrence accrue ; qu'il ressort certes de la note adressée au comité d'entreprise de la société Siemens le 18 janvier 2004 par le cabinet Secafi Alpha rapportant divers éléments communiqués par le nouveau dirigeant de la branche médicale de l'entreprise relatifs aux comptes arrêtés au 30 septembre 2003, assortis des appréciations portées par celui-ci, que pour l'exercice 2002/2003 le budget de la division médicale a enregistré un déficit de 44,5 millions d'euros alors que le budget prévisionnel présentait un bénéfice de 4 millions d'euros ; que cet écart résulte d'une baisse du chiffre d'affaires réalisé de 4,3 millions d'euros par rapport au chiffre d'affaires prévisionnel, n'une baisse de la marge réalisée de 8,7 millions d'euros par rapport à la marge prévue, de dépenses supplémentaires de 3,7 millions d'euros liées à des restructurations importantes comprenant le départ du directeur de vente, du directeur de division et du directeur de gestion et des licenciements pour motif économique, d'une sous-estimation dans le budget prévisionnel des frais de structure et de personnel de 3,8 millions d'euros, de l'absence de prise en compte des intérêts sur les créances transférées par factoring de 1,2 million d'euros et enfin de l'ajustement d'opérations de gestion pour 24,4 millions d'euros, dont 20,1 millions d'euros concernant l'exercice 2001/2002 et 4,3 millions d'euros l'exercice 2002/2003, avec notamment l'application de règles de prudence accrues conduisant à déprécier le matériel prêté de 3,6 millions d'euros et à augmenter les provisions comptables sur les créances et les stocks de 3,4 euros ; cependant qu'il n'est pas établi que l'écart observé entre le budget prévisionnel et le budget réalisé, dû pour l'essentiel à une forte concurrence et à des mesures d'assainissement des comptes financiers, soit imputable à M. X... et non à des choix effectués par la direction financière de la société Siemens depuis plusieurs années ; que le salarié a fait observer à l'audience, sans être utilement contredit, que le périmètre de la division médicale a été modifié au cours de l'exercice commercial 2002/2003 du fait d'un transfert partiel d'activité à la société Drager ; que la société Siemens a reconnu le travail fourni par M. X... en lui versant au titre de la part variable de sa rémunération prévue à l'article 5 du contrat de travail, le 16 janvier 2003, pour l'exercice commercial du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2002, la somme de 45.736 euros, soit l'équivalent de quatre mois de salaire, correspondant à un objectif atteint à 100 %, puis en mai 2003, lors de son licenciement, pour l'exercice commercial suivant, la somme de 26.679,33 euros, correspondant également, prorata temporis, à un objectif atteint à 100 % ; que si la société Siemens fait valoir que la prime d'objectifs LTI ne saurait répondre aux mêmes critères d'attribution que la part variable de la rémunération prévue à l'article 5 du contrat de travail, elle ne verse aucun élément aux débats justifiant de critères différents habituellement mis en oeuvre dans l'entreprise pour l'attribution de la prime litigieuse ; que s'agissant d'un élément de salaire calculé en fonction des objectifs réalisés, l'employeur ne peut se dégager totalement de l'obligation de payer la seconde partie de la prime LTI au motif que le salarié a été licencié avant la fin du second exercice commercial de la période ; qu'il n'y a pas lieu toutefois d'allouer au salarié le montant de la prime en son entier alors qu'il a cessé son activité le 23 avri12003 et que son contrat de travail a été rompu pour faute grave le 5 mai 2003 ; qu'il convient dès lors de fixer, prorata temporis, à la somme de 144.825,91 euros la prime d'objectifs dite LTI due par la société Siemens à M. X... en exécution de l'article 15 d contrat de travail ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur à payer ladite somme au salarié ; qu'il résulte de l'article L.223-11 devenu l'article L.3141-22 du code du travail, que doivent être pris en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés tous les éléments ayant le caractère de rémunération à l'exception des indemnités constituant un remboursement de frais réellement exposés ; que la société Siemens ne conteste pas l'inclusion de la prime d'objectifs dite LTI dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 14.482,60 euros au titre des congés payés afférents à la prime litigieuse » ;

1. ALORS, D'UNE PART, QUE le versement d'un complément de rémunération subordonné à la réalisation d'objectifs suppose que le salarié remplisse cette condition, sauf à ce dernier d'établir que son employeur a commis des manquements à ses obligations le plaçant dans l'impossibilité d'atteindre les résultats prévus ; qu'un cadre dirigeant ne saurait ainsi prétexter que les mauvais résultats de l'entité placée sous sa responsabilité ne lui seraient pas imputables pour prétendre au paiement de la prime d'objectifs prévue dans son contrat, en complément de sa rémunération fixe et variable ; qu'en considérant néanmoins que Monsieur X... aurait été en droit de prétendre au paiement de la prime d'objectifs faute pour la Société SIEMENS de rapporter la preuve positive et concrète que les très mauvais résultats enregistrés par la division médicale étaient personnellement imputables à Monsieur X..., la cour d'appel a violé les articles L.1221-1 du Code du travail,1134 et 1315 du Code civil ;

2. QU' il en va d'autant plus ainsi que la cour d'appel a elle-même considéré dans son arrêt que l'écart entre le budget prévisionnel établi par Monsieur X... et le budget réalisé était dû à une forte concurrence et à des mesures d'assainissement des comptes financiers ; qu'en allouant une prime d'objectif de 144.825,91 euros à Monsieur X..., malgré l'écart entre le budget présenté et le budget réalisé et les pertes importantes de la division qu'il dirigeait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

3. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il n'était pas discuté que Monsieur X... était directeur de la division médicale de la Société SIEMENS et avait, à ce titre, lui-même présenté à l'entreprise un budget prévisionnel de 4 millions d'euros ; qu'en cette qualité, c'est à lui qu'il appartenait de prendre en compte pour l'élaboration de ce budget prévisionnel les effets de l'accroissement de la concurrence et des « choix effectués par la direction financière de la société SIEMENS depuis plusieurs années » ; qu'en énonçant, pour allouer la prime d'objectifs litigieuse à Monsieur X..., que l'écart entre le budget présenté par ce dernier et le budget effectivement réalisé ne lui aurait pas été imputable, sans rechercher si celui-ci n'avait pas connaissance de l'existence d'une concurrence accrue et des choix opérés par la Société SIEMENS de sorte qu'il aurait dû en tenir compte au moment de l'élaboration du budget prévisionnel de sa division, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d'appel a elle-même relevé que l'écart entre le budget prévisionnel présenté par Monsieur X... et le budget effectivement réalisé par la division médicale résultait notamment « d'une sous-estimation dans le budget prévisionnel des frais de structure et de personnel de 3,8 millions d'euros » et de « l'absence de prise en compte des intérêts sur les créances transférées par factoring de 1,2 millions d'euros » ; qu'en estimant néanmoins qu'il n'aurait pas été établi que l'écart entre le budget prévisionnel et le budget réalisé était imputable à Monsieur X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

5. ALORS, ENFIN ET ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, QU'en l'absence d'accord des parties sur les objectifs susceptibles de donner droit à une prime d'objectifs prévus par le contrat, il incombe au juge de fixer lui-même des objectifs au regard des éléments de la cause et d'en vérifier la réalisation ; qu'en se fondant exclusivement, pour dire que Monsieur X... aurait droit à la prime d'objectif dite LTI prévue par l'article 15 de son contrat de travail intitulé « clauses particulières », sur le montant de la rémunération variable perçue par Monsieur X..., sans déterminer un objectif particulier susceptible de donner droit au versement de cette prime ni a fortiori la réalisation de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 du Code du travail, 1131 et 1134 du Code civil.