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Jurisprudence
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 28 mars 2007, 06-40.293, Inédit
N° de pourvoi 06-40293

Président : Mme MAZARS conseiller

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2005) que M. X..., engagé le 5 mars 1973 en qualité d'agent technico-commercial par la société Forges de Saulnes et Gorcy, devenue Gorcy La Roche et licencié par lettre du 11 février 1998 au terme de laquelle l'employeur indiquait renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence contractuelle, a saisi la juridiction prud'homale pour demander notamment le paiement d'une indemnité de non-concurrence ;

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de cette demande alors, selon le premier moyen :

1 / qu'il est de principe fondamental, en droit du travail, qu'en cas de conflit de normes c'est la plus favorable au salarié qui doit recevoir application ; que la clause de non-concurrence, instituée dans l'intérêt respectif des parties en raison de sa contrepartie financière, a un caractère synallagmatique, en sorte que l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à son exécution dès lors qu'aucune possibilité de renonciation n'est prévue dans le contrat lui-même ; que si la convention collective applicable contient une disposition autorisant une telle renonciation, cette disposition constitue une disposition moins favorable pour le salarié que la règle de droit commun, qui suppose son accord, et doit donc lui céder le pas ; qu'en l'espèce, en l'état d'un contrat ne prévoyant aucune faculté de renonciation unilatérale de l'employeur, la cour a jugé que les dispositions de la convention collective la prévoyant devaient s'appliquer au motif qu'elles faisaient parties du champ contractuel ; qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la norme générale (la convention collective) ne devait pas être écartée parce qu'elle imposait au salarié des conditions juridiques plus défavorables que celles de la norme
particulière (le contrat) et du droit commun, la cour a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble des articles L.135-2 du code du travail et 1134 du code civil ;

2 / que pour écarter la demande de M. X... tendant au paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat, la cour a jugé qu'il ne démontrait pas que la renonciation unilatérale de l'employeur à l'obligation de non-concurrence ait eu pour le salarié un effet pénalisant ; qu'en soumettant le versement de l'indemnité de non-concurrence, exigible conventionnellement, à la preuve d'un préjudice provoqué par la renonciation unilatérale, la cour a violé l'article 1134 du code civil ;

et alors, selon le second moyen :

1 / que l'indemnité compensatrice a pour cause l'obligation de non-concurrence imposée au salarié, en sorte que son paiement ne peut être affecté par les circonstances de la rupture du contrat de travail et la possibilité ou non pour le salarié de reprendre une activité concurrentielle ; que la clause litigieuse, qui permet à l'employeur de renoncer unilatéralement à la clause de non-concurrence, laisse cependant le salarié dans une incertitude totale, jusqu'à la rupture, du choix qui sera opéré à ce moment par l'employeur, lequel fixe son choix en fonction du danger potentiel que peut représenter un salarié à licencier ; qu'elle constitue ainsi un instrument qui, se trouvant exclusivement entre les mains de l'employeur, l'investit d'un pouvoir égal à celui d'un employeur qui peut décider, en vertu d'une clause incluse au contrat, d'imposer ou non au salarié une obligation de non-concurrence après rupture du contrat, l'atteinte portée à la liberté du travail étant la même, à savoir la soumission du salarié à une décision arbitraire et discrétionnaire de son employeur, qui intervient au moment de la rupture du contrat ; qu'en décidant que cette clause était néanmoins valable, au seul motif, impropre à justifier l'atteinte portée aux droits du salarié, que les modalités de la levée de la clause étaient encadrées par les stipulations de la convention collective, la cour a violé les articles 1134 et 1174 du code civil ;

2 / que la cour a constaté qu'il appartenait à l'employeur seul de décider, en fin de contrat, de la levée éventuelle de la clause et du paiement de l'indemnité de non-concurrence ; que ces circonstances manifestaient que, quelles que soient les modalités matérielles de cette décision, l'employeur disposait du pouvoir de disposer unilatéralement du sort de la convention synallagmatique de non-concurrence, selon ses seuls intérêts, sans que le salarié ait la faculté de s'y opposer au vu des éléments dont il pouvait alors disposer sur ses perspectives professionnelles et qui lui étaient inconnus au moment de la conclusion de ladite clause ; qu'en décidant dès lors d'écarter la demande de nullité présentée par M. X..., quand ces constatations devaient au contraire la conduire à y faire droit, la cour a violé les articles 1134 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que selon l'article 28 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, l'employeur peut, en cas de cessation du contrat de travail qui prévoyait une clause de non-concurrence, renoncer à l'application de cette clause sous réserve de prévenir le salarié par écrit dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail ; qu'abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la seconde branche du premier moyen, la cour d'appel qui a constaté, en l'absence de dispositions particulières du contrat de travail qui se référait à la convention collective de la métallurgie, que l'employeur avait renoncé à la clause de non-concurrence dans la lettre recommandée du 11 février 1998 notifiant son licenciement à M. X..., a, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille sept.