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Paye Assiette des cotisations Indemnités versées à la rupture du contrat : pour l’exonération de cotisations, la Cour de cassation prend ses distances avec la liste du droit fiscal Dans deux arrêts du 15 mars 2018, la Cour de cassation précise que la liste des indemnités de rupture du contrat de travail susceptibles d’être exonérées de cotisations ne se limite pas à celle du code général des impôts. D’autres sommes peuvent être exonérées de cotisations, à condition que l’employeur apporte la preuve qu’elles indemnisent un préjudice. Et la Cour d’illustrer son propos avec des indemnités transactionnelles, dans un cas considérées comme assujetties à cotisations et dans l’autre non. Rappels Un certain nombre d’indemnités de rupture du contrat de travail bénéficient d’un régime social de faveur, qui conduit à considérer qu’elles sont exonérées de cotisations de sécurité sociale et de charges ayant la même assiette dans certaines limites (c. séc. soc. art. L. 242-1). La liste des indemnités concernées est fixée en référence à celle prévue par le droit fiscal en matière d’impôt sur le revenu (CGI art. 80 duodecies). On y trouve, à titre d’exemple, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité de licenciement, l’indemnité de mise à la retraite, l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle signée avec un salarié qui n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse, l’indemnité de rupture conventionnelle collective, etc.. Traditionnellement, la Cour de cassation estimait que la liste fixée par l’article 80 duodecies du code général des impôts étant limitative, les indemnités versées lors de la rupture du contrat qui ne sont pas visées par le régime d’exonération fiscale ne pouvaient pas être exonérées de cotisations. Cet argument a par exemple été utilisé dans des affaires portant sur l’indemnité pour violation du statut protecteur d’un salarié protégé (cass. civ., 2e ch., 12 février 2015, n° 14-10886, BC V n° 27 ; cass. civ., 2e ch., 21 décembre 2017, n° 16-26912 D) ou encore pour les sommes versées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d’un CDD (cass. civ., 2e ch., 6 juillet 2017, n° 16-17959 FPB). La Cour de cassation se décale en partie du droit fiscal Dans deux arrêts du 15 mars 2018, la Cour de cassation fait évoluer son raisonnement, en se décalant pour partie de la liste du droit fiscal. Le principe veut toujours que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités de rupture expressément exonérées dans certaines limites en application des dispositions combinées du code de la sécurité sociale et du code général des impôts sont assujetties à cotisations. Cependant, la Cour y apporte une exception : si l’employeur rapporte la preuve que ces sommes concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice, les sommes concernées peuvent être exonérées de cotisations de sécurité sociale. Autrement dit, la liste des indemnités de rupture exonérées d’impôt de l’article 80 duodecies du code général des impôts n’est plus l’alpha et l’oméga pour l’exonération de cotisations de sécurité sociale. Mais à condition d’établir qu’elles indemnisent un préjudice, ce qui ne sera pas nécessairement facile. À cet égard, les employeurs qui souhaiteraient exploiter cette jurisprudence auront tout intérêt à prendre l’avis d’un conseil d’habilité (Avocat, etc.). On relèvera que cette solution est rendue au regard de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l’époque des faits, dont le texte a depuis évolué. Cependant, la solution semble pouvoir être transposée, sous réserve d’éventuelles précisions à venir. Application à des indemnités transactionnelles Et la Cour d’illustrer concrètement son propos par ces deux affaires, avec des solutions diamétralement opposées pour des indemnités transactionnelles, mais après avoir relevé à chaque fois l’analyse précise et détaillée à laquelle chaque cour d’appel avait procédé. Dans un cas, l’employeur ne rapportait pas la preuve que des indemnités qualifiées de « transactionnelles » par l’employeur et les 18 salariés concernés compensaient un préjudice. De ce fait, les sommes en cause étaient donc bien soumises à cotisations (redressement de plus de 600 000 €, majorations de retard comprises). Sans rentrer dans les détails de l’affaire, les juges ont en substance considéré qu’il s’agissait de départs volontaires en retraite « habillés » en ruptures à l’initiative de l’employeur. Les 18 salariés avaient informé la direction de leur décision de faire valoir leurs droits en retraite, à chaque fois la société s’était déclarée « surprise », chaque salarié avait saisi l’occasion pour contester le caractère volontaire du départ et la situation dans laquelle ils se retrouvaient placés, etc. (cass. civ., 2e ch., 15 mars 2018, n° 17-11336 FSPB). Dans la seconde affaire, il s’agissait d’indemnités transactionnelles versées suite à 10 licenciements. Et cette fois, les juges ont estimé que l’employeur avait apporté la preuve que les indemnités transactionnelles avaient un caractère exclusivement indemnitaire, en conséquence de quoi elles n’entraient pas dans l’assiette des cotisations (annulation de 27 976 € de redressement). La Cour relève que les juges d’appel avaient pris en considération les termes clairs, précis et sans ambiguïté des protocoles, dont il résultait une volonté clairement exprimée des parties. La rupture du contrat restait un licenciement pour faute grave et l’indemnité transactionnelle ne comportait aucune indemnité de préavis et de licenciement (cass. civ., 2e ch., 15 mars 2018, n° 17-10325 FSPB). cass. civ., 2e ch., 15 mars 2018, n° 17-11336 FSPB ; cass. civ., 2e ch., 15 mars 2018, n° 17-10325 FSPB |