A la rencontre
Combattre les écarts de salaire avec un logiciel ?
Denis Lesigne
Directeur Capital humain
Deloitte France
www2.deloitte.com
Malgré une législation abondante, des écarts de rémunération femmes-hommes subsistent en France. Le gouvernement envisage le déploiement d'un logiciel dans les entreprises afin de détecter les écarts injustifiés. Une fausse bonne idée ?
Une approche strictement mathématique
« Un plan d'action du gouvernement prévoit la mise en place dans les entreprises (de 50 salariés et plus) d'un logiciel identifiant les écarts de rémunération femmes-hommes. Ce logiciel déterminerait, en fonction d'un faible nombre de variables (poste, âge, ancienneté, etc.), s'il demeure un écart uniquement expliqué par le genre et non expliqué par une ou plusieurs variables, ce qui caractériserait une discrimination. En pratique, l'entreprise pourrait se trouver dans l'obligation de publier un écart identifié par le logiciel, sans être en mesure d'en comprendre l'origine et donc de s'en expliquer.
Cette méthode s'inspire d'un logiciel similaire utilisé en Suisse de manière facultative. »
Une obligation de résultat
« Cette méthodologie va au-delà des règles légales applicables en France en passant d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. Il s'agit de contraindre les entreprises à prendre les choses en main, ce que certaines d'entre elles ont déjà fait.
La tentation pourrait être de faire en sorte que le logiciel sorte l'écart le plus faible possible, en jouant, par exemple, sur la classification des emplois. Ainsi, un poste occupé majoritairement la nuit par des hommes (avec une rémunération majorée) et le jour par des femmes pourrait être segmenté en deux postes distincts pour annuler l'écart inexpliqué lié au genre. D'autre part, le logiciel pourrait identifier des écarts ne résultant pas directement de la politique de rémunération, mais des écarts de genre dans les recrutements externes.
Par ailleurs, on regrettera que cette approche ne mette pas en évidence la faible représentation des femmes à partir d'un certain niveau de responsabilité, qui constitue, dans les faits, une cause majeure de l'inégalité salariale.
Au final, on peut se demander si l'approche retenue contribuera à faire évoluer les comportements. Ne serait-il pas préférable de promouvoir l'externalisation de la mesure des écarts auprès d'organismes spécialisés et l'élaboration d'une méthode de certification des entreprises en fonction de l'égalité ? »