Droit disciplinaire
Mettre fin aux comportements à risques
Sanctionner la consommation d’alcool ou de drogue
Le salarié consommateur d’alcool ou de drogue peut être sanctionné pour non-respect du règlement intérieur, de son obligation de sécurité, etc. Pour autant, l’employeur ne doit pas oublier sa propre obligation de sécurité en prévenant les risques liés à ces consommations.
Caractériser la faute
Non-respect du règlement intérieur. - Le salarié qui ne respecte pas le règlement intérieur de l’entreprise est fautif (circ. DRT 83-5 du 15 mars 1983). Or, l’employeur peut interdire dans ce règlement intérieur :
- l’introduction et la consommation dans l’entreprise de boissons alcoolisées autres que le vin, la bière, le cidre et le poiré, l’autorisation de consommer ces dernières pouvant être limitée au moment des repas dans les locaux affectés à cet effet (c. trav. art. R. 4228-20 ; circ. DGT 2008-22 du 19 novembre 2008) ;
- l’introduction et la consommation de toute boisson alcoolisée dans l’entreprise (rép. Boutin n° 1177, JO du 10 novembre 1997, AN quest. p. 3964 ; cass. soc. 3 octobre 1969, n° 68-40480, BC IV n° 509) ;
- l’introduction et la consommation de stupéfiants (rép. Roubaud n° 80516, JO 31 janvier 2006, AN quest. p. 1003 ; circ. DGT 2008-22 du 19 novembre 2008), dont la détention est pénalement sanctionnée et la consommation interdite (c. santé pub. art. L. 3421-1 et c. pén. art. 222-37 et 222-39).
- d’entrer et de séjourner dans l’entreprise en état d’ébriété (c. trav. art. R. 4228-21) ;
- de travailler sous l’emprise de l’alcool ou de drogues pour les salariés dont les fonctions le justifient.
Non-respect de l’obligation de sécurité. - Un salarié mettant sa sécurité ou celle d’autres personnes (collègues, clients, usagers ou tiers) en cause parce qu’il a consommé de l’alcool ou de la drogue est fautif car il ne respecte pas son obligation de sécurité (c. trav. art. L. 4122-1). Cela est particulièrement vrai pour un salarié occupant des fonctions liées à la sécurité ou mettant en cause la sécurité d’autres personnes comme par exemple :
- un chauffeur-livreur manutentionnaire ayant effectué une livraison en état d’ébriété (cass. soc. 21 avril 2010, n° 08-70411 D) ;
- un steward sous l’emprise de drogues dures pendant un vol (cass. soc. 27 mars 2012, n° 10-19915 FSPB).
Même si l’alcool ou la drogue ont été consommés en dehors du temps de travail, le salarié est fautif si son état ou son attitude, pendant son travail, constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, telle son obligation de sécurité (cass. soc. 27 mars 2012, n° 10-19915 FSPB).
Conséquences sur le travail. - Le salarié en état d’ébriété et dans l’incapacité d’exécuter son travail ou d’assumer ses responsabilités est fautif (pour des exemples, voir le tableau ci-après).
La consommation d’alcool ou de drogue peut aussi entraîner une insuffisance de résultats ou professionnelle. Ces dernières ne sont toutefois pas des fautes justifiant une sanction disciplinaire. Elles peuvent motiver un licenciement non fautif (voir Dictionnaire Social, « Licenciement non disciplinaire »).
Conséquences sur le comportement. - La violence dans l’entreprise est intolérable, que le salarié en cause soit sous l’emprise de l’alcool ou de drogues ou non (voir RF Social, Revue d’actualité 96, p. 16). Pour autant, la violence ou une attitude grossière liées à ce type de consommation aggravent la faute du salarié (pour des exemples, voir le tableau ci-après).
Prévenir les risques liés à l’alcool ou la drogue
L’employeur doit interdire aux personnes ivres d’accéder aux lieux de travail (c. trav. art. R. 4228-21). À notre sens, il lui appartient également d’éviter qu’un salarié sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue mette, par exemple, ses collègues en danger en lui enjoignant de stopper ses activités. Et ce, au nom de son obligation de sécurité de résultat (cass. soc. 16 juin 2009, n° 08-41519, BC V n° 147).
Qualifier la faute
Faute parfois grave. - La consommation d’alcool ou de drogue pendant le temps de travail ou en dehors de l’entreprise mais avec des conséquences sur le travail peut être une faute. Néanmoins, il ne s’agit pas systématiquement d’une faute grave. À l’employeur d’apprécier les faits compte tenu des circonstances.
Exemple : Un salarié qui avait, pendant ses heures de travail, arrêté son véhicule de service en double file pour acheter du vin destiné à son repas et l’avait apporté dans l’entreprise, en contravention au règlement intérieur, avait commis une faute simple justifiant son licenciement (cass. soc. 3 octobre 2001, n° 99-43483 D).
Quant à la faute lourde, autant l’oublier car elle suppose que le salarié ait eu l’intention de nuire à l’entreprise. Or, une consommation d’alcool même excessive pour un chauffeur n’est pas une faute lourde (cass. soc. 28 mars 2000, n° 97-44432 D).
Circonstances « atténuantes ». - La gravité de la faute est appréciée avec plus de clémence si aucun état d’ébriété n’est constaté ou si celui-ci a été sans répercussion sur le travail ou le fonctionnement normal de l’entreprise. Une grande ancienneté ou un fait isolé peuvent aussi atténuer la gravité de la faute (voir le tableau ci-après). Néanmoins, la consommation de substance illicite (ex. : cannabis) dans l’entreprise justifie un licenciement, même si elle constitue un fait isolé (cass. soc. 1er juillet 2008, n° 07-40053, BC V n° 144).
Circonstances « aggravantes ». - La faute d’un salarié peut être considérée comme grave notamment quand (voir le tableau ci-après) :
- il exerce des responsabilités ;
- il occupe un poste lié à la sécurité ou mettant en cause la sécurité d’autres personnes.
Prouver la faute
Alcootest. - L’employeur peut prouver l’état d’ébriété d’un salarié grâce à un alcootest pourvu que le règlement intérieur prévoit ce type de contrôle. Seuls les salariés dont l’état d’ébriété exposerait les personnes ou les biens à un danger, compte tenu de la nature de leur travail, peuvent être ainsi contrôlés. Le règlement intérieur doit prévoir la possibilité pour ces salariés d’exiger la présence d’un tiers et de solliciter une contre-expertise (cass. soc. 22 mai 2002, n° 99-45878, BC V n° 176).
Vidéosurveillance et fouille. - Utiliser la vidéosurveillance ou organiser des fouilles pour prouver la consommation ou l’introduction d’alcool ou de drogue dans l’entreprise suppose d’avoir respecté certaines conditions préalables (ex. : les salariés doivent avoir été préalablement informés de ces dispositifs) (voir Dictionnaire Social, « Surveillance des salariés »).
Autres modes de preuves. - D’autres modes de preuve peuvent être utilisés, tels les témoignages de managers, de collègues ou encore de clients, pourvu qu’ils soient licites. Quant à savoir si des tests salivaires ou urinaires peuvent être mis en place pour détecter la consommation de drogue, la question n’est pas tranchée. Pour le comité consultatif national d’éthique, ces tests ne pourraient être diligentés que sous la responsabilité d’un médecin du travail et dans le respect du secret médical (avis n° 15, CCNE).
Sanctionner le salarié
Une sanction proportionnée à la faute. - La sanction disciplinaire que l’employeur décide de prononcer doit toujours être proportionnée à la faute du salarié.
Par exemple, le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant consommé de l’alcool dans l’entreprise a été jugé disproportionné à sa faute et donc sans cause réelle et sérieuse. Il n’avait pas amené l’alcool et n’avait fait l’objet d’aucun reproche pendant ses 14 ans de présence. Les faits s’étaient déroulés dans les vestiaires seulement 10 minutes avant la fin du travail (cass soc 24 février 2004, n° 02-40290 D).
Procédure disciplinaire ou de licenciement. Selon que la sanction est mineure (ex. : observation écrite et inscrite au dossier) ou plus lourde (ex. : mise à pied disciplinaire), l’employeur respecte la procédure « simplifiée » ou « normale », cette dernière impliquant notamment d’organiser un entretien préalable avec le salarié concerné [voir Dictionnaire Social, « Sanctions disciplinaires (procédure) »].
S’il envisage un licenciement, il est également tenu de suivre la procédure disciplinaire, celle-ci présentant toutefois des spécificités [voir Dictionnaire Social, « Licenciement personnel (procédure) »]. ✖
Consommation d’alcool ou de drogue : faute grave ou NON ? |
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Aucune faute grave (1) ne peut être reprochée à : - un salarié ayant participé à un pot organisé sans autorisation, dont l’état d’ébriété n’était pas démontré et qui n’avait fait l’objet d’aucune sanction depuis de nombreuses années (cass. soc. 15 décembre 2011, n° 10-22712 D ; cass. soc. 15 décembre 2011, n° 10-22713 D) ; - un salarié utilisant des outils potentiellement dangereux mais dont l’état d’ébriété sur le lieu de travail n’avait eu ni précédent ni répercussion sur la qualité du travail ou sur le fonctionnement normal de l’entreprise (cass. soc. 8 juin 2011, n° 10-30162 FSPB) ; - une aide-soignante prenant son service de nuit en état d’ébriété et pour laquelle il s’agissait d’une faute isolée en 23 ans d’ancienneté (cass. soc. 16 décembre 2009, n° 08-44984 D) ; - un chauffeur sous l’emprise de l’alcool mais ne dépassant pas le taux d’alcoolémie légalement autorisé dans le sang, le règlement intérieur de l’entreprise étant par ailleurs silencieux sur cette question (cass. soc. 9 juillet 1991, n° 90-40935 D). |
Une faute grave (1) peut être reprochée à : - un directeur d’agence s’étant trouvé régulièrement sur son lieu de travail en état d’ébriété après le déjeuner, ce qui risquait de ternir durablement l’image de l’entreprise (cass. soc. 9 février 2012, n° 10-19496 D) ; - un salarié ayant consommé de l’alcool sur les lieux du travail malgré l’interdiction dans l’entreprise alors que celui-ci se devait de donner l’exemple en raison de son niveau hiérarchique élevé (cass. soc. 25 janvier 1995, n° 93-41819 D) ; - un responsable sécurité ayant été dans l’incapacité d’assumer ses responsabilités en raison d’une absorption excessive d’alcool, pendant un pot dans l’entreprise et en présence de ses subordonnés (cass. soc. 6 décembre 2000, n° 98-45785 D) ; - un contremaître, investi de responsabilités, pour des violences liées à son état d’ébriété et ayant nécessité son évacuation d’un chantier (cass. soc. 16 mars 1989, n° 86-42065 D) ; - une standardiste qui sous l’emprise de l’alcool avait refusé avec grossièreté d’assurer ses tâches, au vu de tous, et avait eu dans le bureau de ses supérieurs une attitude grossière et insultante (cass. soc. 10 novembre 2010, n° 08-44661 D) ; - un cuisinier dans l’incapacité d’exécuter correctement son travail du fait de son état d’ébriété (cass. soc. 23 septembre 2009, n° 08-42198 D) ; - un steward sous l’emprise de drogues dures pendant un vol (cass. soc. 27 mars 2012, n° 10-19915 FSPB) ; - un chauffeur-livreur manutentionnaire ayant effectué une livraison en état d’ébriété (cass. soc. 21 avril 2010, n° 08-70411 D). |
(1) La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. |