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Paye Indemnités de rupture Rupture conventionnelle collective, congé de mobilité : l’angle mort du forfait social Les salariés quittant l’entreprise dans le cadre d’un accord de rupture conventionnelle collective ou au terme d’un congé de mobilité ont droit à l’indemnité de rupture prévue par l’accord collectif. Pour l’attractivité de ces dispositifs, les pouvoirs publics entendaient attacher à cette indemnité le même régime social et fiscal que celui d’une indemnité de rupture versée dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Pas sûr que l’objectif soit pleinement atteint… Une clarification serait la bienvenue. L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a créé la rupture conventionnelle collective et profondément réformé le congé de mobilité. En pratique, ces deux dispositifs permettent, sur la base d’un accord collectif, d’organiser des guichets de départ volontaire dans un cadre juridique sécurisé. Les salariés quittant l’entreprise dans ce contexte ont droit à l’indemnité de rupture prévue par l’accord collectif, laquelle doit être au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (c. trav. art. L. 1237-18-2, 7° et L. 1237-19-1, 5°). Un régime social et fiscal voulu comme attractif L’ordonnance initiale n’avait pas prévu de régime social et fiscal particulier. Cependant, il était prévu qu’un « régime d’exonérations sociales et fiscales sera proposé dans le cadre de la discussion au Parlement de la prochaine loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale afin de garantir l’attractivité des deux dispositifs » (rapport relatif à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23, texte 32). Dans ce contexte, un amendement du gouvernement au projet de loi de finances a précisé le régime de ces indemnités. Selon l’exposé des motifs de cet amendement, il s’agissait « d’aligner le régime social et fiscal des indemnités (…) sur celui applicable aux indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE). Ce renvoi au régime des indemnités PSE est d’ailleurs repris à la lettre sur le site Internet du réseau des URSSAF, à l’heure où nous rédigeons ces lignes. Sans que les conséquences en soient d’ailleurs expressément tirées. Dans un service paye, le concept d’un alignement sur le régime des indemnités PSE devrait impliquer les conséquences suivantes : -exonération d’impôt sur le revenu sans limitation de montant ; -exonération de cotisations de sécurité sociale dans la limite de 2 plafonds annuels de la sécurité sociale ; -sous réserve de confirmation, assujettissement à CSG/CRDS pour la fraction excédant l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et celle assujettie à cotisations (sous réserve de confirmation) ; -pas de forfait social. Des textes à lire à la lettre ? À cet égard, la loi de finances a d’ailleurs expressément prévu de ranger les indemnités de rupture liées à la rupture convention collective et au congé de mobilité au rang des indemnités exonérées d’impôt sur le revenu sans limitation de montant (CGI art. 80 duodecies, 1, 1° modifié). Mécaniquement, cela signifie bien que l’indemnité est exonérée de cotisations de sécurité sociale et de charges ayant la même assiette dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (c. séc. soc. art. L. 242-1, al. 12). Pour le forfait social, l’état des textes n’est pas pleinement en phase avec la volonté d’aligner le régime des indemnités de rupture sur celui des indemnités versées dans le cadre d’un PSE. Selon le 3° de l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, n’entrent pas dans le champ du forfait social « les indemnités de licenciement, de mise à la retraite ainsi que de départ volontaire versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du 12e alinéa de l’article L. 242-1 du présent code » (c. séc. soc. art. L. 137-15, 3°). Le renvoi au 12° alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pourrait permettre de couvrir toutes les indemnités de rupture, y compris de rupture conventionnelle collective et de congé de mobilité. Mais si l’on prend le texte à la plus stricte lettre, l’exclusion du champ du forfait social ne concerne que « les indemnités de licenciement, de mise à la retraite ainsi que de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE » (visées au 12° al. de L. 242-1). Et donc pas les indemnités de rupture liée à la rupture conventionnelle collective ou au congé de mobilité… Dans cette lecture, la fraction de ces indemnités qui est assujettie à CSG/CRDS mais exonérée de cotisations de sécurité sociale serait donc soumise au forfait social de 20 %. L’égalité avec le régime des indemnités PSE n’est alors plus assurée. Enjeu : l’attractivité du dispositif On peut penser que l’indemnité de rupture prévue par un accord collectif de rupture conventionnelle collective (ou sur le congé de mobilité) sera bien souvent plus élevée que l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Auquel cas, si l’on s’en tient à l’interprétation « à la lettre », il y aura du forfait social à 20 % sur une partie de l’indemnité. Du point de vue de l’employeur, le régime social serait alors moins attractif qu’une indemnité de licenciement, éventuellement assortie d’une indemnité transactionnelle. Il serait à notre sens souhaitable qu’une clarification expresse soit apportée sur cette question. Que ce soit dans un sens ou dans un autre, les entreprises ont besoin de s’engager dans ces nouveaux dispositifs des ordonnances Macron en toute connaissance de cause. NDLR du 16/04/2018 : interrogée par nos soins, l’ACOSS nous a indiqué le 16 avril 2018 que l’indemnité de rupture conventionnelle collective devait être considérée comme assujettie au forfait social pour sa partie exonérée de cotisations mais assujettie à CSG et qu’elle actualiserait le site Internet urssaf.fr de cette précision. En tout état de cause, une précision expresse de l’autorité de tutelle (ministère des Affaires sociales et de la santé, via la direction de la sécurité sociale) serait la bienvenue. On ne peut que regretter que le document questions/réponses mis en ligne le 16 avril 2018 par le ministère du travail sur la rupture conventionnelle collective ne traite pas de la question du forfait social. |